Les origines de la renommée

Tout commence en 1948. Antoine Desmet et son épouse, forains de profession, aspiraient à une vie moins itinérante. Lassés des perpétuels déplacements de foire en foire, ils cherchaient un ancrage, un lieu où poser leurs valises et développer une activité stable. Le hasard, ou plutôt une foire se tenant sur la Place Jourdan, leur offre l'opportunité qu'ils attendaient. Observant l'affluence des Etterbeekois sur cette place animée, l'idée germe : ouvrir une baraque à frites. Une intuition simple, mais qui allait marquer l'histoire gastronomique de Bruxelles.

À ses débuts, la friterie Antoine était modeste, tant par sa structure que par son offre. Installée sur la place, elle ouvrait ses portes durant les pauses déjeuner (12h00 à 14h00) et en soirée (18h00 à 22h00). Déjà à cette époque, la qualité était une priorité. Antoine et son épouse préparaient méticuleusement leurs frites, épluchant chaque matin des pommes de terre fraîches dans la petite cour de leur maison. Ces pommes de terre étaient ensuite coupées à la main, garantissant une texture et une saveur authentiques. L'offre était volontairement limitée : des frites croustillantes et deux sauces classiques, la mayonnaise et la moutarde. Une simplicité qui mettait en valeur la qualité du produit principal.

Cependant, la rumeur de ces délicieuses frites se répandit rapidement à travers Bruxelles. En quelques années, la petite baraque d'Antoine devint un point de ralliement, attirant une clientèle de plus en plus nombreuse. Les files d'attente devant le comptoir témoignaient déjà du succès grandissant de la friterie. Face à cet engouement, Antoine prit la décision de développer l'activité. Les horaires furent étendus pour satisfaire la demande croissante, et la deuxième génération de la famille fit son entrée dans l'entreprise. Jeannine, Clémentine et Jean-Paul apportèrent une nouvelle énergie et une vision de modernisation.

Renaissance

C'est sous leur impulsion que la friterie Antoine connut une véritable expansion. La baraque initiale devint trop petite pour accueillir le flux constant de clients. Une nouvelle roulotte fut installée, offrant plus d'espace de travail et permettant d'accélérer le service. L'atelier fut modernisé avec l'acquisition d'une machine capable d'éplucher des sacs entiers de pommes de terre (jusqu'à 25 kilos !), un gain de temps considérable qui bénéficiait directement aux clients. Des bacs de conservation spécialement conçus furent également mis en place pour garantir la fraîcheur des pommes de terre tout au long de la journée.

L'offre s'étoffa progressivement, mais la qualité des frites resta le pilier de la Maison Antoine. La réputation de la friterie dépassa les frontières de Bruxelles pour conquérir toute la Belgique et même les pays voisins. Les gourmands affluaient de loin pour goûter ces fameuses frites, préparées avec soin et passion.

La consécration

La consécration ultime arriva avec un article élogieux publié dans le prestigieux New York Times. Le titre était sans équivoque : "La maison ANTOINE: best french fries of the world". Cette reconnaissance internationale propulsa la Maison Antoine au rang de légende mondiale de la frite. Les touristes américains, armés de leur exemplaire du journal, affluèrent Place Jourdan pour vérifier par eux-mêmes la véracité de cette affirmation audacieuse.

En 1990, la troisième génération, représentée par Christine, Pascal et Thierry, reprit le flambeau avec l'ambition de voir encore plus grand. Ils eurent une idée novatrice pour l'époque en Belgique : demander à la commune d'Etterbeek l'autorisation de construire un kiosque à frites permanent. Ce fut une première, une reconnaissance de la place de la friterie dans le paysage local. Pascal et Thierry veillent aujourd'hui jalousement à la qualité de la frite, perpétuant le savoir-faire familial et nourrissant l'espoir que la quatrième génération aura, elle aussi, "une frite dans le sang", assurant ainsi la pérennité de cette institution bruxelloise.

Un incontournable du quartier Jourdan

Aujourd'hui, la Maison Antoine est bien plus qu'une simple friterie. Elle est un lieu de rencontre, un symbole de convivialité et un ambassadeur de la culture belge. Les files d'attente sont toujours présentes, signe que la qualité et la tradition n'ont pas pris une ride. Chaque cornet de frites, préparé avec les mêmes gestes précis et la même passion qu'à l'origine, raconte une histoire, celle d'une famille qui a su transformer une simple idée en un héritage gourmand pour les générations futures. La Maison Antoine continue de faire la fierté de la Place Jourdan et de Bruxelles, prouvant que parfois, les choses les plus simples sont aussi les plus savoureuses et les plus durables.